M. Robert Masson étudiant l'hygiénisme, m'envoyait un article où il niait l'action des remèdes en général et celle du chlorure de magnésium en particulier dans la poliomyélite. L'article fut donc proposé à M. G. Nizet, directeur de la « Nouvelle Hygiène ». Or voici que Monsieur Masson vient de m'écrire la lettre suivante où il rétracte ses affirmations précédentes :

Monsieur Mosséri,
Je vous prie d'arrêter la publication du petit article que je vous ai envoyé car j'ai eu l'occasion depuis lors d'assisté à l'action certaine des remèdes. Je ne puis donc approuver ce que j'avais écrit. J'ai pu en effet voir que s'il n'est pas possible d'augmenter le pouvoir fonctionnel (en effet tout hyper-fonctionnement par rapport au fonctionnement normal est suivi d'un hypo-fonctionnement par rapport au fonctionnement normal), les remèdes ont néanmoins une action physico-chimique quelquefois souhaitable.
Expérience : J'ai pu chasser des calculs hépatiques avec des essences aromatiques et des calculs rénaux avec l'aubier de tilleul sauvage. D'autre part, si les tisanes n'augmentent pas le pouvoir fonctionnel, elles neutralisent jusqu'à un certain point et solubilisent les toxines en favorisant de ce fait l'élimination.
Je conclus donc qu'il n'est pas possible d'augmenter le pouvoir fonctionnel par les remèdes, mais que certains de ces remède modifient les caractères physico-chimiques des déchets et résidus en facilitant l'élimination. D'autre part, je remarque que l'insuffisance d'élimination des organes émonctoires ne semble pas forcément en rapport avec l'énervation. Ainsi, si la peau et les poumons fonctionnent mal, c'est une insuffisance par hypo-fonctionnement : manque d'exercices pour les poumons, d'exercices de propreté, de soleil pour la peau. Pour le foie et les reins, l'insuffisance est due à un hyperfonctionnement trop longtemps maintenu conduisant à l'épuisement.
• Intoxication par poisons naturels : alcool, tabac, café, thé,...
• culinaires : sel, fritures,
• chimiques : médicaments, aliments chimiqués,...
• Intoxication par suralimentation de féculents : épaississement du sang,
• graisse : dépôts vasculaires,
• Protéïnes : sang toxique.
• Intoxication par fermentation des glucides : alcools, acide lactique, gaz carbonique, acide acétique,...
• Putréfaction des protides : scatol, indol, phénol, ptomaïne.

Cet épuisement se produisant par l'intoxication moteur premier de l'épuisement, de l'insuffisance du foie et des reins en dehors de toute question d'énergie nerveuse.
Cependant malgré une pensée redevenue naturopathique, je n'oublierais pas l'homme de coeur que vous êtes et vous prie de croire que je regrette profondément de vous avoir déçu. Avec ma toujours très grande estime à un grand hygiéniste,
R. MASSON.

Réponse d'Albert Mosséri :

M. Masson est un homme sincère qui cherche à savoir. Il n'a pas les idées claires au sujet de l'hygiénisme. Au lieu de poser les questions, il décide de redevenir naturopathe. Un étudiant, qui n'est pas guidé risque toujours de faire des fautes. Voyons un à un les arguments soulevés. Il prétend avoir « eu l'occasion d'assister à l'action des remèdes » en donnant des tisanes à des personnes qui avaient des calculs et ces calculs furent chassés.

Prenons le cas classique de la personne qui prend un « purgatif » :
nous pourrons tous assister à une diarrhée quelques heures plus tard. Faut-il conclure hâtivement que le purgatif a chassé les selles ? Est-ce là l'action du remède ? Pas du tout. Le corps ne pouvant faire usage des poisons (purgatifs, tisanes...) se hâte de les chasser. C'est bien lé corps qui agit et non les purgatifs. Les purgatifs sont passifs comme une feuille morte. Il ne faut pas confondre l'action du corps pour l'action des remèdes car ceux-ci n'ont pas d'action. On étudiera la Loi de Trall dans la science de la santé, ainsi que le chapitre sur les purgatifs et la constipation dans le rhume cet inconnu. Par ailleurs, la sortie des calculs ne représente pas une élimination, ni une normalisation des fonctions organiques. Le corps continuera à fabriquer ou à déposer des calculs comme avant. Par contre, la normalisation de la composition de la bile (comme durant un jeûne) cause l'effritement des calculs hépatiques et biliaires et leur passage dans les intestins. L'élimination se fait à la base de chaque cellule de notre corps.
Par conséquent, vider les intestins ou rejeter des calculs ne veut pas dire éliminer. Se moucher ou uriner n'est pas une élimination.

Terminologie : Notre correspondant emploie les mots « hypo-fonctionnement », « hyperfonctionnement ». Or l'Hygiène Naturelle est simple et ne réclame que des termes simples. La médecine recherche les termes savants, lourds et compliqués pour impressionner. Un hygiéniste dirait tout simplement : stimulation et dépression, ou surmenage et épuisement. Les naturopathes aiment à suivre les tendances médicales. Les hygiénistes s'en éloignent pour se rapprocher de la Nature.

L'Élimination : « Les tisanes, poursuit M. Masson, neutralisent à un certain point et solubilisent les toxines et favorisent de ce fait l'élimination ». Ce fut toujours le rêve de la médecine de « neutraliser et de solubiliser les toxines », de tuer les microbes, d'aider la nature à faire son travail. Et les naturopathes ont suivi. Mais le rêve serait trop beau et justifierait l'usage de tous les poisons de la pharmacopée. Logiquement, le poison le plus virulent doit être le plus utile. Mais un poison qui s'attaque aux toxines, nuirait davantage aux tissus Et les tissus vivants, tant qu'ils sont vivants, ne permettront jamais qu'une réaction chimique se produise dans l'organisme pour se protéger eux-mêmes. Trall l'a montré. Aucune réaction chimique n'est possible dans les tissus vivants car ceux-ci s'y opposeront de toutes leurs forces. Les tisanes ne neutralisent donc rien. Elles ne solubilisent rien non plus. Le corps les rejette car il ne peut les assimiler. Donc, au lieu de favoriser l'élimination, les tisanes augmentent les quantités de poisons que le corps doit éliminer. C'est-à-dire qu'elles alourdissent le fardeau toxémique. Par ailleurs, n'est-il pas présomptueux de vouloir aider l'élimination ?
La Nature fait son travail et ne réclame pas la sottise humaine pour l'aider.
Notre intelligence consciente n'est que sottise face à l'intelligence somatique des cellules. Celle-ci ne fait pas d'erreurs. Cessons de poser en savants, cessons de badiner, la Nature se moque de nous. L'homme ne percera jamais les mystères du corps au point de pouvoir l'aider. La seule aide possible est de suivre la Nature, c'est-à-dire de ne pas s'opposer à son travail, et de la favoriser par le repos physiologique et par la fourniture de tous les éléments normaux à son existence.

L'énervation :
Monsieur Masson parle de l'épuisement des organes. Or cet épuisement n'est autre que l'énervation. En effet, tous les organes ne fonctionnent que par une dépense d'énergie nerveuse et leur épuisement ne survient qu'avec l'épuisement de cette énergie. Le système nerveux dirige toutes les fonctions organiques.
La vie est une pièce maîtresse de nutrition et d'élimination, sous le contrôle du système nerveux.
L'intoxication, écrit encore M. Masson, est le moteur premier de l'épuisement ». C'est parfaitement correct. L'intoxication mène à l'énervation (épuisement). Mais cette énervation aboutit à son tour à la rétention des déchets métaboliques naturels. De sorte que les déchets métaboliques sont surajoutés aux poisons introduits de l'extérieur en compliquant leur composition.

En étudiant le schéma, l'on remarquera deux manières par lesquelles la maladie peut se produire :
  1. Intoxication (café, tabac...)
  2. Fatigue des organes émonctoires énervation
  3. Rétention des déchets du métabolisme (en plus de la toxémie externe : café, chocolat, sel ...)
  4. Toxémie (endogène et exogène)
  5. Elimination vicariante
  6. Surmenage
  7. Enervation
  8. Rétention des déchets du métabolisme
  9. Toxémie Primaire et Toxémies Secondaires

Les diverses tendances naturopathiques reconnaissent que la maladie est causée par les « impuretés », mais elles attachent plus d'importance aux impuretés de provenance externe, c'est-à-dire l'intoxication par les produits chimiques dans les aliments ou les médicaments par exemple. Ainsi, on ne pense qu'à se procurer des aliments n'ayant pas été pollués par les produits chimiques. Pourvu que les aliments soient dépourvus de produits chimiques — D.D.T., engrais chimiques... —, on en mangera dans les pires conditions, les pires combinaisons, sans voir quels sont les besoins de l'organisme à ce moment. C'est une conception évidemment étriquée de la cause de la maladie. La qualité de l'aliment ingéré n'est qu'un détail dans l'ordre des choses, important ou insignifiant, selon le cas.

En plus, les naturopathes ignorent le rôle joué par l'épuisement de l'énergie nerveuse dans la production de la toxémie de base. Par contre, les hygiénistes considèrent la rétention des déchets métaboliques comme étant la toxémie de base, grâce aux recherches de Tilden en cette matière. Les autres toxémies externes causeront et viendront s'ajouter à cette toxémie métabolique. L'intoxication épuiseà la longue les organes et produit une rétention des déchets du métabolisme. En d'autres termes, les organes (l'élimination finissant par se fatiguer de l'intoxication externe, cela aboutit à l'énervation et à la rétention des déchets naturels du métabolisme. « Les toxémies — toxines bactériennes, ptomaïnes, produits pathologiques, etc… — sont éphémères dans leur influence, elles sont fragmentaires et très limitées dans les considérations de cause à effet.
Ce sont des influences spécifiques et passagères qui sont incapables d'agir comme constantes et sont donc insuffisantes comme bases pour un système universel de cause » (Vol. VI, p. 265 Shelton).
Or, « l'empoisonnement alimentaire, écrit Tilden, n'est pas une maladie, pas plus que l'empoisonnement n'en est une. Savoir et entretenir cette idée est nécessaire à une compréhension rationnelle de cause à effet concernant la maladie. Une blessure, un empoisonnement, une habitude énervante (café, tabac,.... N.D.L.R.) ne sont pas des maladies, ni une cause de maladie, mais une cause de Toxémie — la seule maladie ».

« Il est douteux, précise Shelton, que la plupart des autres toxémies se seraient jamais produites sans la toxémie endogène pré-existante ».
• La toxémie de base est la toxémie métabolique.
• Les toxémies secondaires sont les toxémies intestinales, organiques (pus), chimiques.
• La toxémie intestinale est un empoisonnement (infection) par la décomposition de produits absorbés du canal digestif. Ces toxines sont exogènes — c'est-à-dire d'origine externe.
• Les toxines provenant de la décomposition protéïque sont plus virulents que ceux provenant d'une décomposition amylacée.

Albert Mosséri - “La noucelle Hygiène” 1970