Ce n’est que par comparaison avec les autres fruits que se décèle la supériorité de la banane. Alors que les fruits acides et mi-acides ne peuvent être assimilés qu’après une opération préalable de neutralisation exigeant une réserve de force nerveuse (dont sont carencés les malades, le plus souvent), la banane — mangée blette, répétons-le — est assimilée immédiatement, sans « à coup».
La principale source de matières azotées dans les fruits se trouve dans la catégorie des noix, mais ces matières azotées sont combinées avec une quantité tellement importante de matières grasses que ces dernières exigent, pour une assimilation idéale, l’apport neutralisant des salades.
La banane, elle, n’exigeant aucune neutralisation, ni de l’amidon, ni des matières azotées, forme un aliment complet, se suffisant à lui-même. D’ailleurs, elle ne se combine jamais correctement avec tout autre aliment — même un fruit doux de grande valeur tel que la datte.
Le célèbre hygiéniste, le Dr. TILDEN, l’avait remarqué après des centaines d’observations. Selon lui, il faut faire un repas exclusif de bananes. On choisira surtout les variétés les plus petites, qui sont les plus digestes. C’est cette absence de neutralisation préalable qui en avait fait le fruit préféré — avec certaines variétés de pommes douces — du Dr CARTON dont les malades étaient la plupart de constitution dégénérée.
Les modes d’alimentation traditionnels reposent sur une double source d’intoxication :- la première est l’excès de céréales sous forme de pain, viennoiserie et autres produits semblables ;
- la seconde, les produits laitiers, la viande et autres produits semblables. Cette double source d’intoxication, répétées depuis des millénaires, imprègne de façon telle le corps qu’en observation pratique, il est impossible de les supprimer tous deux subitement sans risque de dénutrition dangereuse.
En pratique hygiéniste, il est important de garder une masse importante d’amidons.
Or, l’amidon de la banane est de qualité supérieure. Ceci explique que rares sont les civilisés modernes qui ne tolèrent pas la banane. Outre les malades, il est une catégorie pour qui la banane est un aliment indispensable : ce sont les enfants, dès la première absorption d’aliments solides. L’enfant, par atavisme, ressent ce besoin d’amidon. Le lui donner sous forme de petites bananes entières, au cours d’un repas exclusif de bananes, en surveillant leur mastication correcte. L’apport judicieux de la banane permet d’éviter ces bouillies nocives de céréales que le jeune enfant ne peut digérer par absence des enzymes de réduction correspondants. Pour l’adulte, la banane est le fruit de la journée ou du soir. Les fruits du matin étant, selon la saison, l’orange et ses assimilés (mandarine, clémentines,...), les pêches, les poires, etc.Aux Canaries
Un séjour aux Canaries m’a permis d’étudier sur place la question des bananes. Le bananier, à vrai dire, n’est pas un arbre, mais probablement la plus grande des plantes herbacées.
J’ai pu observer les régimes à tous les stades de leur développement, j’ai assisté à la coupe de ces régimes, l’entreposage, l’emballage, le transport. Les régimes sont coupés, les bananes étant vertes. Il est normal qu’il soit procédé ainsi, sinon elles seraient intransportables.
Dans ce régime vert, au moment de la coupe, il existe souvent quelques bananes déjà mûres. Ces dernières sont gardées pour la consommation locale. Je peux affirmer que les bananes vertes de ces régimes coupés, mûriront naturellement et leur saveur en sera sensiblement tout aussi délicieuse ; à condition qu’elles aient été coupées au moment favorable et aient été placées dans des conditions de température également favorables.
Le froid est l’ennemi de la banane. Une température bien supérieure à celle du gel, les fait pourrir. Elles se couvrent de plaques noires, bien différentes de celles du fruit à l’état de maturité. Si la température est trop changeante, sans vraiment aller dans les extrêmes, le fruit pourri également. Leur maturation et leur conservation, en France, n’est pas toujours évidente car leur transport jusqu’à nos étalages n’est jamais idéal.
Je n’ai pas visité de mûrisserie-entrepôts de bananes en France. Il ne m’est donc pas possible de faire le point sur ces rumeurs selon lesquelles les régimes seraient soumis à des émanations de gaz toxiques qui retarderaient ou accélèrerait leur maturation. Mais, je crois que l’on n’hésite pas à se le permettre. On pique bien certaines oranges à l’éther pour leur donner l’apparence de sanguines, on vernit les pommes ... Il est donc tout à fait possible que l’on « trafique » les bananes, pour augmenter les rendements. On peut, par exemple, faire en sorte que certains fruits doublent de taille. Alors, il se peut également qu’on arrose les bananiers d’engrais chimique pour se faire.
Certains mouvements végétariens se sont fait l’écho de ces informations, déconseillant les bananes normales et mettant en parallèle la valeur des « bananes séchées naturellement, cueillies mûres, qui contiendraient encore toutes les vitamines du fruit ». Je sais par de nombreuses expériences que les bananes cueillies vertes au moment de pré-maturation favorable, mûrissent naturellement si elles sont placées dans les conditions normales favorisant leur mûrissement : celles-ci sont une chaleur suffisante, une exposition à la lumière du jour, et, bien que cela ne soit pas indispensable, le maintien humide de la tige d’implantation.
A tous ceux que la question des bananes intéresse — et cela devrait intéresser tout le monde, telle est la valeur de ce fruit —, je me permets de donner ces conseils : n’achetez aucune banane détachée de sa tige d’implantation, sauf si manifestement elle est mûre.
Quand, on n’habite pas les îles, il est préférable de procéder aux opérations de mûrissement soi-même, à la maison, plutôt que d’attendre qu’elles murissent sur l’étalage de votre marché ou supermarché.
Pratiquement, procédez ainsi : vous entendre avec un marchand de fruits, recevant un régime entier de bananes encore vertes dans leur emballage. Entretenez-vous avec lui pour qu’il vous vende ces bananes vertes agglomérées (non détachées) autour de la partie de tige nourricière. Vous achetez alors une « couronne » entière avec la partie de la tige correspondante qui compte dans le poids des bananes achetées. Achetées ainsi, vous êtes certain que ces bananes n’ont subi aucune préparation nocive.
Enveloppez, ensuite, la partie inférieure de cette tige d’implantation d’un paquet de ouate imbibée d’eau, contenu dans un petit sac en plastique. Mettez votre partie de régime ainsi préparée dans un filet suspendu à un endroit tel qu’il soit soumis à une source de chaleur et à la lumière de jour.
Si l’opération est faite correctement, vos bananes mûriront toutes en même temps.
Cela peut constituer une masse importante à consommer immédiatement, à moins que vous soyez une bonne famille.
Achetez toujours des bananes dont la taille paraît plutôt normale : ni trop petite, ni trop grande. Les bananes trop grandes ont été probablement arrosées avec de l’engrais chimique. Les bananes de Canaries ont une taille parfaite.
Par ailleurs, les petites naines, ou d’autres variétés encore de petites bananes, sont les meilleures. Celles-ci murissent très vite et peuvent être consommées en nombre, en un seul repas, et rapidement.
Vous pouvez pratiquer des mûrissements échelonnés en divisant votre couronne en 2,3 ou 4 parties. Attention, cependant : chaque partie comprend un morceau de la tige d’implantation — le morceau correspondant aux bananes groupées autour. Au lieu d’exposer à la chaleur la couronne entière, vous exposez seulement la fraction choisie (le restant de la « couronne » se trouvant en attente dans l’obscurité, dans un endroit éloigné autant de la chaleur que du froid).
Il faut une certaine expérience pour tirer parti au mieux de l’exposition, de l’eau, de la chaleur.
Il vous appartient maintenant, lecteur, de tirer parti des indications données. Cette expérimentation en vaut la peine.
GEORGES WYCKAERT - EXTRAIT DE LA NOUVELLE HYGIENE, N°27.
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